Ma démarche

 
Comment envisager, dans une époque de déferlement du visible, une possible réinvention de la photographie sans considérer l’expérience du mouvement, du flux et des modalités propres à notre perception actuelle des images ? Comment la photographie pourrait-elle dépasser les limites de sa propre fixité ?
Si on regardait le monde par le prisme de la photographie, partant des paradigmes actuels de perception des images : zapping, déferlement, errance visuelle, principe de non-sélection (théorisés notamment par Lev Manovitch dans Langages des nouveaux médias, paru en 2001), mais dans une démarche de déconstruction reposant sur les constituants essentiels du médium photographique, à savoir une « écriture » avec la « lumière », que percevrait-on dans et par les images fixes ?
Associée aux outils numériques, comment la photographie peut-elle se réinventer pour la concevoir non plus comme un moyen de restituer le visible mais plutôt, sous une approche phénoménologique, comme un révélateur d’une expérience du voir ? Comment le processus mouvant de perception du visible peut-il transparaître dans l’image photographique fixe?
Dans une forme d’errance visuelle proche des modalités actuelles de visibilité des images, mon travail photo-graphique porte une attention accrue à la perception de mon environnement intime et quotidien. Un bout de papier, un fragment de matière ou de corps, le dossier d'une chaise, une fissure sur un mur, un dessin griffonné, un lieu, capturés au hasard du mouvement de mon bras, deviennent prétexte à mettre en lumière le processus cinématographique du regard.
Le « montage », terme emprunté au cinéma devient une notion centrale de ma pratique photographique. Dans cette fragmentation en images fixes du processus que je tends à capturer et à rendre par le montage, j’explore et raccorde avec pour seul outil la lumière, les jonctions entre les images. Terrains d’expérimentations, ces « entr’images » deviennent propices à faire surgir le mouvement d’une mémoire latente, entrelac du visible et de l’invisible, de l’image fixe et du mouvement.​​​​​​​
A travers une recherche intermédiale sur la forme de l’image photographique - tableaux ou installations -, je joue des frontières poreuses entre la durée et l’instant, soi et le monde, la réalité et la projection imaginaire, le conscient et l’inconscient, séparées déjà en ses temps primitifs avec la lanterne magique ou la photo spirite. Plus récemment, avec les collages, en investissant des procédures paradoxalement plus matérielles et pourtant en résonance avec les procédés numériques de calques et de stratification des images, j’interroge l’avènement d’une expérience photographique qui n’aurait plus besoin de la photographie pour devenir photo-graphique.  
 
 
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