Ces dix dernières années, Sabrina di Geronimo a développé une pratique singulière mêlant l’usage du médium photographique à l’outil numérique. Tirant partie des modalités de visibilité des images propres à notre époque, elle s’intéresse aux mécanismes de perception des images en puisant dans son environnement quotidien et immédiat.
Qu’il s’agisse d’images perçues futivement, englouties par la vitesse du monde des écrans, ou de celles laissées pour compte à la périphérie de notre vision, Sabrina di Geronimo récupère la multitude d'images enregistrées dans les smartphones. Au fil de ses errances visuelles, souvent au départ de ses expérimentations, un bout de papier, un fragment de matière ou de corps, le dossier d'une chaise, une fissure sur un mur, un dessin griffonné, parfois capturés au hasard du mouvement de son bras, deviennent prétextes à mettre en lumière le processus cinématographique du regard.
Le « montage », terme emprunté au cinéma devient une notion centrale de sa pratique. Dans cette fragmentation en images fixes du processus qu’elle tend à capturer, elle raccorde par un travail de rehaut des ombres et des lumières, les jonctions entre les images. Dans une forme de nostalgie du lien et du récit, influencée par ses études en histoire de l’art, ses « tableaux photo-graphiques », nous invitent à réfléchir à la fragmentation du monde par la photographie et à repenser une possible esthétique de la multitude et du flux.
A travers une recherche intermédiale sur la forme de l’image photographique - tableaux ou installations -, elle joue des frontières poreuses entre la mémoire et l’oubli, soi et le monde, la réalité et la projection imaginaire, le conscient et l’inconscient, séparées déjà en ses temps primitifs avec la lanterne magique ou la photo spirite. Plus récemment, avec les collages, en investissant des procédures paradoxalement plus matérielles et pourtant en résonance avec les procédés numériques de calques et de stratification des images, elle interroge l’avènement d’une expérience photographique qui n’aurait plus besoin de la photographie pour devenir photo-graphique.